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LANDSCAPE ART - Les colonnes flottantes de Jean Moré

Jean Moré vu par...

Témoignages

 

Michel  Devaux

Parenthèse - CRAM

Sanda Voica

Christine Hedou

Roberte N Hamayon

Tym

Claude Hansen

Alain Jouffroy

Joël Hubaut

Samuel Dudouit

JFA

 

Alain Jouffroy

LES  COLONNES  VOLANTES  DE  JEAN  MORÉ

          Elles étaient d'abord flottantes, ces étonnantes colonnes, inventées depuis 1998. Jean Moré, qui n'est pas un artiste, mais un inventeur, un technicien du possible, en a défini la forme, la matière, les dimensions de hauteur et de largeur, en a choisi aussi les couleurs, elles aussi variables, mais toujours «pures».

      

     

 

 

 

 

                    Il les lance maintenant en plein vent, au-dessus des gigantesques plages du Cotentin, notamment à Surville, l'une des plus belles plages du monde. Innocentes, ces colonnes foncent en plein vent dans le ciel comme des bolides, malgré leurs attaches à la colonne centrale, debout sur le sable. Métaphores d'une énergie sans but, elles sont le rêve réalisé, hyper-moderne, de la «Colonne sans fin» de Brancusi, qui devait, en acier poli, dominer tout Paris. Tant qu'elles flottaient, elles pouvaient passer pour des espèces, miniatures, de dirigeables. Maintenant qu'elles volent, elles font des signes victorieux dans l'espace, mieux que ne le font les avions supersoniques, qui ne laissent derrière elles que de vagues fumées blanches. Ce sont des actions gratuites, plus que ne le sont ce qu'on appelle, aujourd'hui, des «performances». Le public n'en est pas spécialisé, et n'est pas forcément requis. Tout le monde peut les voir: pas besoin de musée, ni d'institution culturelle officielle pour les découvrir. Cela n'empêche pas Jean Moré de s'accorder, parfois, avec un créateur reconnu d'avant-garde, comme Joël Hubaut, qui habite comme Jean Moré, le Cotentin, ne serait-ce, comme à Saint-Sauveur-le-Vicomte, devant le célèbre bar du «Rideau Cramoisi», ou à Strasbourg, pour y célébrer la saucisse.

       Humour volontaire et dérision de l'art ? Pas du tout. Plaisir de l'invention, plaisir de la réalisation, plaisir sensuel du partage avec ceux qui assistent au montage et à la mise en forme, chaque fois différente, d'un événement spatial gratuit.

        Quel sens donner à cet événement ?

       J'irai loin: celui d'une libération de  toutes les catégories d'expression reconnue. Jean Moré est un homme libre, qui fait ce qu'il veut et n'a jamais eu besoin d'aucune commande pour faire ce qui lui plaît. Ses colonnes flottantes, ou volantes,  sont les signatures d'une volonté d'indépendance individuelle totale.  Elles le prouvent par ce qu'elles sont, et n'ont besoin d'aucun discours culturel pour exister.

        Elles annoncent sans doute l'arrivée d'une autre époque, où l'utopie de la liberté de création de chaque individu sera, enfin, réalisée partout. On n'y croît pas. En fait, on s'en rapproche.

                                                                Alain Jouffroy
                                                                Poète et critique d'art

 

 

Colonnes flottantes

A Jean Moré

 

Qui sont ces QUI ?
Plus de quidams ? Pas même de dames ?
Nulle damnation ? Plus de nations ?
Joyce ! Joie !
Des pions sans sang, sans sens,
Tous les rois d'illusions de transcendance

L'Architecte d'ARC (et Senans)
Épure, apure le demi-siècle manquant,
Dans la douce Région des Utopies

Où les nouvelles Montgolfières, fières,
remontant, fu-nam-bulles,
Le grandiose défilé des golfes d'herbes en touffes,
Ré-annoncent, -annoncent
La mobilité des flottantes colonnes sans temple.

1998.

 

Alain Jouffroy
"C'est, partout, ici"
Gallimard 2001