www.airetcolonnes.com LANDSCAPE ART - Les colonnes flottantes de Jean Moré |
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Jean Moré vu par... |
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Sanda VOICA
Diplomée de l'Université de Philologie de Bucarest, professeur et rédactrice de plusieurs revues littéraires roumaines, (Contemporanul, România Literara, etc), Sanda Voica s'épanouira dans ce milieu littéraire. Elle a écrit et publié en Roumanie des nouvelles, des poèmes, des poésies, un fragment de roman et même une pièce de théâtre. Depuis 1999 elle vit et écrit en France. Ses nouveaux poèmes sont conçus en français... Sanda a vu les Colonnes Flottantes et a trouvé important d'exprimer ses sentiments... Extraits de son texte du 20 novembre 2007 : Qu'est-ce qui flotte dans Jean MORÉ ou Le flottant dans l'âme...
Jean Moré veut atteindre le ciel de son vivant – mais pas n’importe comment, non pas comme une flèche, non pas avec une navette spatiale, pas en se… suicidant, pas en regardant en haut, à la recherche du visage de son Dieu – non, rien de tout cela. Sa foi, si elle existe, elle est un peu vacillante, non pas le doute, mais des flottements dans son âme et dans sa vie qu’il a transmis, imprimés à ses colonnes… Des constructions, des broderies parfois, des élans plus ou moins contorsionnés – comme ses gestes quotidiens, comme sa vie de tous les jours, bien sûr – mais sublimés… Qu’est-ce qui flotte dans Jean Moré ? Son âme généreuse et sa sensibilité débordante. Ne pas se contenter de vivre – mais le dire avec des pneumatiques inédits : de l’air et des peaux qui le contiennent dans ses colonnes diverses, fixées au sol pour mieux s’élever vers le ciel… Flotter – rester dans un monde parallèle, non pas sans lien avec celui où on vit, mais comme reflet, réflexion de ce qui se passe d’essentiel dans cette vie - garder la mémoire des gestes essentiels, même dans des érections passagères de ses colonnes, ici et là… Fixer – fixer un geste, fixer sa mémoire, fixer mais non pas encorseter – laisser la pensée circuler, vibrer, flotter. Avec les mouvements des colonnes participer aux mouvements du vent, de l’air, nous, spectateurs, en accompagnant les mouvements de la colonne érigée devant nous. Flottantes mais non pas en flottaison. Flottant sur la terre, les rochers, le sable, l’herbe des champs, prés et prairies et jamais ou presque sur l’eau, la redondance est évitée. Ça flotte sur terre pour atteindre un autre flottement, plutôt – celui des nuages, par exemple, des paupières battantes (des yeux en train de les regarder), pour atteindre le flottement des états d’âme des regardeurs. Et autres flottements ! Flottant – aussi près de transition, de frontière entre deux ou plusieurs mondes / territoires. Flotter entre les mondes – le réel, l’artistique, le passage entre les deux. Frontière - avec toutes ses connotations aussi… Art sur la frontière… Frontière entre plusieurs états – états d’âme, états d’esprit, etc. Frontières de l’être. Frontière entre sa vie et ses colonnes – qui sont aussi sa vie. Frontière entre ses colonnes et sa vie, qui renvoie à ses colonnes, qui renvoient à sa vie et ainsi de suite. D’où le flou, le flottement et… le flottant. Ses colonnes seraient ainsi une épure du flottant, de l’état d’oscillation, de vacillation dans un sens de recherche, de quête. Et ce qui côtoie l’éphémère et la frontière c’est l’infini. La dernière phrase du livre de Louis Aragon "Une vague de rêves" est : "Qui est là? Ah très bien : faites entrer l’infini." (lu dans Philippe Sollers, "Un vrai roman. Mémoires", p.71). Cette phrase donc, "Faites entrer l’infini !", pourrait être renversée en disant que c’est nous qui entrons dans l’infini, grâce aux colonnes de Jean Moré – soit qu’on les admire de l’extérieur, soit que, plus rarement, exceptionnellement, on y entre. Infinie est aussi l’histoire de la colonne – la tentation de faire l’historique de toute colonne jamais érigée sur terre, de toute tour, de toute aspiration vers le ciel. Flottant… Images du monde flottant, étaient, pour les japonais, les estampes… Un parallèle, même si cela ne paraît pas évident au premier abord, mais qui s’impose à moi avec force, c’est avec ce monde flottant des japonais. Le monde flottant était celui des quartiers où tout était permis à tout le monde – la débauche, les beuveries, le théâtre kabuki, les samuraïs côtoyaient les gens humbles. Même si tout, cette "liberté" même, était "supervisé" par le shogun. La vie de ces quartiers de périphérie de Tokyo (Edo à l’époque, XV -XVI è siècle) a inspiré ensuite les graveurs. Ainsi est-on passé des gravures à sujet religieux aux images - ukyio – du monde flottant. L’esprit des "images du monde flottant" japonaises aurait passé dans les colonnes de Jean Moré. On garde l’éphémère du monde où on vit, de notre vie, fixé par les estampes chez les japonais et par les colonnes chez Jean Moré, où elle sont plus ou moins fragiles, et surtout éphémères, temporaires. Colonnes qui tremblent, qui se dressent, timides ou agressives, comme notre vie sur terre, pour quelques instants (courts ou longs ; à chacun de voir). Œuvre pérenne dans son éphémérité. Une colonne de Jean est une âme et un corps mis à nu. Voilà ce que sont pour moi les colonnes de Jean, pas si flottantes que ça, d’abord. Ephémères, peut-être, dans leur agencement, montage, installation, mais éternelles dans leur signification - cette écriture dans l’air et sur la terre, cette nouvelle symbolique, secrète, mais restant à décrypter, oui. Jean Moré aurait même une âme… japonaise, qu’il ignore. En survolant, donc, les siècles, il a gardé plutôt l’esprit, la pneuma, que la lettre, les images, les idées ! Comme l’esprit du dieu qui, je le disais, flottait sur les eaux, le même esprit flotterait dans le ukyio japonais, dans le nirvana–zen et dans les colonnes de Jean Moré. Et Jean Moré nous fait don de son âme généreuse - âme ukyio. La générosité des sens – se laisser aller envers l’autre par le biais, grâce aux sens, les cinq sens – la sensualité… jusqu’à l’accomplissement. Être entier dans sa vie le conduit à ériger ses colonnes – tout est là, l’un provoque l’autre… Bien sûr que le monde des plaisirs n’est pas celui évoqué ouvertement par les colonnes de Jean Moré – mais ne s’agit-il pas quand même du plaisir quand un artiste fait quelque chose, ne le fait-il avec tous ses sens, avec ses tripes – question de jouissance toujours ? L assemblage des colonnes qui change de forme, jamais deux fois pareil – marque de l’impermanence – est source de plaisir esthétique, comme une fleur qui, malgré tant d’exemplaires identiques, n’est jamais pareille, mais il faut se pencher sur elle pour découvrir son unicité ! Ses colonnes aussi nous invitent à se pencher sur une fleur, oui, parfois, elles mêmes des calices, des fleurs (colonnes et boules en fleurs)… Je parlerais d’un esprit ukyio – l’esprit flottant de ses colonnes. Le monde flottant est aussi celui de la mémoire individuelle. Dans sa vanité, chaque regardeur devient l’inventeur de sa de sa propre réalité, de sa propre… colonne. Sanda Voïca novembre 2007 |
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